Chaque dépression a un sens, Causes méconnues et soins novateurs, Johann Hari, Éditions Actes Sud 2019, 22,80 €

La consommation mondiale d’anxiolytiques et d’antidépresseurs est en augmentation constante dans le monde. À titre d’exemple, le seul marché des antidépresseurs est d’environ 500 millions d’euros en France. L’auteur du livre que je vous présente aujourd’hui, Johann Hari, a consommé des antidépresseurs de l’âge de 18 à 31 ans.

L’escalade des antidépresseurs

 

Johann Hari a souffert de dépression depuis l’enfance. Ses premières années de prises d’antidépresseurs ont représenté une telle amélioration de sa qualité de vie qu’il en a été le fervent défenseur. Il explique dans ce livre qu’en tant que journaliste, il a publié de nombreux articles et fait des conférences sur l’aspect positif et salvateur des antidépresseurs.

La dépression et l’anxiété (qui sont en général associées) sont le fait de déséquilibres biochimiques dans le cerveau. La prise de médicaments permet de ramener de l’équilibre et les symptômes disparaissent. Telle était l’explication que diffusait abondamment Johann Hari et dont il se satisfaisait.

Sans prendre acte du fait qu’au fur et à mesure des années, il augmentait sans cesse les doses de médicaments ingérés et que les effets secondaires négatifs s’accumulaient tels qu’une prise de poids importante et des troubles de sa sexualité. Mais la crainte de retomber dans ses souffrances passées étaient telles qu’il refusait de prendre en considération cette dynamique.

Jusqu’au moment où suite aux remarques répétées d’un psychothérapeute et à une crise aiguë malgré la prise de médicaments à hautes doses, il a pris conscience du fait qu’il était dans une fuite en avant. Les antidépresseurs soulageaient ses symptômes mais en créaient d’autres et ils ne lui permettaient pas d’identifier ni d’atteindre les causes de ses accès dépressifs…

 

À la recherche des causes de la dépression

 

Parallèlement à l’arrêt des médicaments, Johann Hari s’est lancé dans une grande enquête à l’échelle mondiale afin d’identifier différentes causes génératrices de dépressions et des solutions concrètes, déjà expérimentées, que l’on peut apporter à ces causes. Il a identifié huit causes et des pistes prometteuses associées à chacune d’elle.

L’auteur ne prétend pas avoir fait le tour exhaustif de la question. Toutes les causes qu’il a identifiées sont des causes sociales et existentielles :

  • travail vide de sens auquel on consacre d’interminables heures de notre existence
  • perte du lien social et solitude
  • matérialisme exacerbé qui nous détourne de valeurs plus fondamentales et nous rend toujours plus insatisfaits
  • déni des traumas infantiles et de leurs effets dévastateurs sur la construction de la personnalité
  • la perte du lien avec la nature
  • la difficulté à se projeter dans le futur du fait d’une situation politique ou sociale intenable et qui semble sans solutions…

Ces causes politiques, sociales et environnementales sont en lien avec notre mode de vie moderne et planétaire. C’est pourquoi il parle d’épidémie de dépression et d’anxiété. Le nombre de personnes touchées flambent partout dans le monde et les ventes d’antidépresseurs et d’anxiolytiques avec. C’est quasiment l’unique réponse massivement employée à l’échelle mondiale, pour la plus grande joie des multinationales pharmaceutiques.

 

À chaque cause ses solutions

 

Johann Hari explore alors un certain nombre d’initiatives sociales, militantes ou médicales qui ont permis d’agir sur les causes et de rendre les participants plus heureux. Le fait que la dernière partie du livre soit consacrée à des pistes de solutions est essentiel. Cela permet de prendre conscience du fait que l’on peut tous agir (de la même manière que l’on peut tous plonger en dépression) et que des solutions existent. La prise d’antidépresseurs reste parfois pertinente, mais elle doit être transitoire, le temps de retrouver de l’énergie et de mettre en place des changements qui permettent d’agir sur les causes.

 

Mon avis

 

Ce livre est très agréable à lire car il est à la fois intime et documenté. La quête de compréhension de l’auteur est tout autant personnelle qu’une véritable et minutieuse enquête. Il présente ce livre comme une étude et des réflexions qui sont à creuser mais qui lui ont permises de mieux comprendre ce que lui et de nombreuses autres personnes vivaient depuis des années.

Les nombreuses sources auxquels Johann Hari se réfère sont documentées. Il invite vivement le lecteur à s’y rendre pour en creuser le contenu. Il donne véritablement à voir ce qu’est la dépression et ses profonds effets dévastateurs.

C’est également une analyse sensible de l’évolution délétère sur l’équilibre individuel et collectif des traits de caractères principaux de nos sociétés modernes : le pouvoir de l’argent, l’attrait consumériste, la peur de l’autre et l’isolement associé, le nombre d’heure toujours croissants que l’on passe dans un travail vide de sens avec la peur de le perdre et besoin de maintenir un certain niveau de consommation…

J’ai donc lu ce livre avec beaucoup d’intérêt, même s’il parle de nombreux points que beaucoup connaissent déjà, mais le fait de rassembler toutes ces infos dans une même œuvre et de s’appuyer sur de nombreuses études ou expérimentations actuelles lui donne une portée novatrice.

Par contre, je regrette que dans les pistes de solutions, rien ne soit évoqué qui concerne la recherche de rééquilibrage nutritionnel (comme dans les travaux de la psychiatrie dite orthomoléculaire) ou les expériences en lien avec des temps de jeûne.