Ça s’est passé samedi 9 mars 2024 à Aix-en-Provence et c’était la première édition.
Ce congrès était co-organisé par Jean-Pascal David de La Maison du Jeûne, par la Fédération Francophone de Jeûne et Randonnée (FFJR) et par l’Académie Médicale du Jeûne (AMJ).
Je ne vais pas reprendre le programme en détails, vous le trouverez ici.
Je veux plutôt vous donner mon impression générale et mettre en avant quelques points qui m’ont marquée.
Tout d’abord je dois vous dire que c’était PASSIONNANT ! Il y avait une succession d’interventant.e.s plus intéressant.e.s les un.e.s que les autres venu.e.s de France, d’Allemagne et même du Canada.
Jeûner, c’est bon pour la santé : c’est démontré scientifiquement, youpiii !
Le parti pris de la programmation était de n’inviter que des médecins, professeurs en médecine ou scientifiques afin de témoigner du fait que les recherches sur le jeûne existent et que les connaissances progressent. La pratique d’un jeûne bien mené et bien encadré est une technique santé admirable qui peut faire mieux que certains médicaments. Et bien sûr, sans les effets secondaires des médicaments qui peuvent générer d’autres problèmes de santé, ce que l’on nomme la iatrogénie médicamenteuse. Et sans leurs méfaits écologiques puisqu’il a aussi été rappelé que diverses molécules des médicaments ingérés se retrouvent dans les nappes phréatiques (puis dans l’eau de boisson). J’en profite pour vous rappeler que l’on n’arrête jamais seul.e un traitement médicamenteux, cela doit se faire en accord et avec l’accompagnement de votre médecin.
Les différents types de jeûne
Comme vous le savez déjà, il y a bien des manières de jeûner : jeûne intermittent, jeûne long, jeûne hydrique, jeûne Buchinger, Fasting Mimicking Diet (le « régime qui imite le jeûne »)… Reste à déterminer quel jeûne choisir, dans quel contexte, à quelle fréquence, pour quel public/pathologies ? Autant de questions qui font l’objet d’études afin qu’un jour le jeûne puisse être prescrit… On peut rêver…
Inverser le diabète de type 2 grâce au jeûne
Actuellement, il est difficile de lancer des protocoles de recherches sur le jeûne puisque le nerf de la guerre de la recherche est le financement. Or qui choisirait de financer une étude dont les conclusions, non seulement ne vont pas rapporter d’argent (puisque ça ne va pas déboucher sur la découverte d’une nouvelle molécule commercialisable), mais qui peuvent même concurrencer l’industrie pharmaceutique ?
En effet, le Dr Evelyne Bourdua-Roy et Sophie Rolland (neuroscientifique) étaient présentes (venues du Canada!) et elles ont parlé du protocole grâce auquel elles arrivent à réversibiliser le diabète de type 2 (DT2). Elles proposent un réglage alimentaire pauvre en glucides, la pratique du jeûne intermittent et de l’activité physique adaptée. Leurs patient.e.s guérissent du DT2, et donc arrêtent leur traitement : cela se passe sous surveillance médicale stricte et rapprochée, attention c’est réellement vital, ne vous lancez jamais dans un tel protocole sans accompagnement médical !
Le diabète DT2 est une pandémie
Ces chercheuses ont parlé de pandémie, car actuellement au Canada un enfant sur trois est obèse, or l’obésité dans l’enfance favorise l’apparition du DT2 qui est mode de vie dépendant (manque de sport, excès alimentaires, notamment sucrés), à la différence du diabète de type 1 (DT1) qui est une maladie auto-immune. Le DT2 était nommé avant le diabète des personnes âgées (contrairement au DT1 qui touchait plutôt des enfants), il était rare qu’il se développe avant l’âge de 50 ans. Les médecins aux USA et au Canada reçoivent désormais des enfants qui souffrent de DT2. Au long cours, le DT2 favorise les maladies cardio-vasculaires et la stéatose hépatique ou NASH (Non-Alcoolic Steato Hepatitis). Les maladies cardio-neurovasculaires sont la première cause de décès dans le monde.
Agir sur les inflammations
Cette notion d’inflammation est le dénominateur commun à nombre de maladies dites de civilisation. Ces maladies sont favorisées par nos modes de vie et alimentaires, mais également par notre environnement pollué et souvent stressant. Elles sont donc multifactorielles et elles sont toutes pro-inflammatoires. C’est logique puisque l’inflammation est le signe que notre immunité s’active. Donc, tout bêtement, chaque fois qu’il y a un déséquilibre santé, notre immunité va se mettre en branle, c’est un excellent réflexe et son intention est de retrouver l’équilibre rompu. Le problème est quand cette inflammation se chronicise, qu’elle ne sait plus s’arrêter et qu’en plus, elle est douloureuse.
Or, le jeûne permet de diminuer les niveaux d’inflammation comme l’a étudiée le Dr Daniela Koppold de Berlin. Il peut même arriver que dès 24h de jeûne, des douleurs arthritiques intenses diminuent, voire disparaissent. La Dr Koppold invite les personnes qu’elle suit à faire l’expérience sur elles, dans un esprit de curiosité : « Essayez si vous vous sentez de faire une journée de jeûne pour voir si cela peut vous aider »… C’est très intéressant, car les douleurs chroniques sont extrêmement invalidantes et les traitements ne suffisent pas toujours à les réguler.
Jeûne et cancer
Le médecin oncologue Jean-Loup Mouysset, fondateur du Centre Ressouce à Aix-en-Provence, a fait une conférence époustouflante. Il a démontré avec méthode, ferveur et brio que la pratique de jeûnes courts associée aux traitements médicamenteux du cancer est bénéfique. Cette pratique permet de diminuer l’inflammation, l’hyperinsulinisme quand c’est le cas, elle permettra aussi aux globules rouges et aux plaquettes de se maintenir à un taux correct et au foie de mieux fonctionner. Le jeûne renforce les cellules saines et affaiblit les cellules cancéreuses, ce qui les rend plus sensibles à la chimiothérapie. Il s’agira toutefois pour chaque personne de définir quel jeûne, à quel rythme et pour quelle durée. En effet, si la personne atteinte de cancer est très amaigrie, cette pratique peut bien sûr l’affaiblir. On pourra dans ce cas faire appel à la pratique du « régime qui imite le jeûne » (Fasting Mimicking Diet) élaborée par Valter Longo qui a l’avantage de ne pas faire perdre de poids. Le Dr Mouysset a insisté sur le fait qu’il pratique l’oncologie intégrative, c’est-à-dire qu’il est essentiel pour lui de passer par des protocoles médicaux et de les associer à des pratiques de soins complémentaires non médicamenteuses. C’est l’action conjuguée de ces deux dimensions qui va permettre non seulement d’atténuer les effets secondaires des traitements, mais également de les optimiser. Il est donc question de synergie positive et non pas de choisir l’une ou l’autre des branches de soins.
De l’importance de la remontée alimentaire
Pour conclure, je vais évoquer les conférences du Dre Françoise Wilhelmi de Toledo et de Robin Mesnage. Ils œuvrent tous deux dans les centres Wilhelmi-Buchinger en Allemagne et en Espagne. Ces centres accueillent 7000 personnes par an depuis des décennies et on y pratique le jeûne thérapeutique. Ils disposent d’un département de recherche et s’emploient à faire avancer la science du jeûne.
Robin Mesnage a insisté sur le fait que les mécanismes cellulaires d’action du jeûne sont parfaitement connus. Ils sont même mieux connus que l’action de l’activité physique sur nos cellules ou celle de certains médicaments. Robin Mesnage étudie, par exemple, l’impact du jeûne sur le microbiote intestinal. Le mode alimentaire affecte très rapidement notre microbiote, donc forcément le jeûne également. Son équipe a constaté que le microbiote change pendant le jeûne, mais revient très vite à l’identique une fois le jeûne terminé. Pourtant, on observe des bienfaits digestifs grâce à la pratique du jeûne qui sont plutôt en lien à la régénération du système digestif et intestinal qu’a permis ce temps de grand repos. Par contre, il a rappelé que rompre un jeûne sans respecter un protocole de remontée alimentaire peut faire perdre tous les effets bénéfiques du jeûne. À faire savoir à tous vos amis qui se réjouissent d’avoir rompu leur jeûne avec steak frites ou lasagnes !
Le microbiote de l’ours
La pratique du jeûne est parfaitement physiologique dans le règne du vivant comme en témoignent de nombreux animaux. Certains, comme les ours en hibernation, jeûnent pendant des périodes parfois très longues. Mais, avant cette période de jeûne, ils mangent en quantité et stockent du gras. Le microbiote de l’ours est alors quasi-identique à celui d’une personne obèse. C’est-à-dire un microbiote « super extracteur », qui optimise chaque calorie absorbée et stocke du gras en abondance. Ce gras sera la nourriture du temps de l’hibernation, encore faut-il respecter ce temps. Comme les ours, nos ancêtres alternaient selon les saisons des périodes d’abondance et de disette. Et, ceci pendant des millions d’années. Il se trouve que cela fait maintenant 100 ans que l’on mange en continu, sans temps de repos. Les temps de jeûne manquent. C’est pourquoi Françoise Wilhelmi de Toledo qui a fait une intervention empreinte de sagesse a affirmé qu’il y a un manque aigu et chronique de jeûne dans nos existences, et ceci en parallèle au manque de sommeil, qui lui aussi est chronique. Or, le sommeil, comme le jeûne, sont des thérapies extraordinaires, aussi bien physiques qu’émotionnelles.
Alors à vos oreillers ! Qui dort dîne !
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